"Seeking
Heaven for Mr. Rambo", (البحث عن منفذ لخروج السيد رامبو), le premier long métrage de fiction du cinéaste égyptien
Khaled Mansour, se démarque par une trame narrative dense, explorant à travers
une poignante relation homme-animal des thèmes sociaux souterrains.
Le film narre
l'histoire de Hassan, un jeune homme pauvre vivant avec sa mère et son chien
Rambo dans une maison décrépite d'un quartier populaire du Caire. Menacés
d'expulsion par Karem, un garagiste avide et violent souhaitant agrandir son
garage, Hassan et Rambo voient leur destin basculer lorsqu'une confrontation
nocturne met en danger la vie du chien. Dès lors, Hassan tente d’échapper à la
vengeance de Karem tout en affirmant sa détermination à protéger son compagnon.
Le film s'ouvre sur une image saisissante : une hyène au visage ensanglanté, vue à travers un écran de télévision. Cette scène inaugurale, suivie par l'apparition des protagonistes, Hassan et Rambo, jouant avec le doudou du chien, pose déjà les bases de la double animalité qui sous-tend l'ensemble du film et des thèmes qui le constituent. D'une part, une animalité sauvage et prédatrice, incarnée par la hyène, qui se repait de la chair de ses victimes ; d'autre part, une animalité anthropomorphe et affective, représentée par Rambo, qui devient l'alter ego de Hassan. Cette dualité décrit à la fois le lien intime entre l'homme et l'animal, mais également l’image symbolique de la prédation et de la dépossession à l’œuvre dans le film.
L’identification homme-animal comme moteur narratif
La relation
entre Hassan et son chien Rambo constitue le cœur émotionnel et narratif du
film. Rambo est bien plus qu'un animal de compagnie : il est une extension de
Hassan, reflétant ses peurs, ses espoirs et sa révolte naissante. À travers
cette identification, le film invite le spectateur à s'attacher à ce duo, ce
qui explique les réactions enthousiastes du public lors de la projection au
festival des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC).
Cependant, le film dépasse le
simple registre affectif pour explorer des enjeux plus larges. Le combat entre
Hassan et Karem se projette sur le sort du chien, qui devient un corps
sacrificiel absorbant la violence sociale qui se déchaine tout au long du film.
On voit cette transposition dans plusieurs scènes. La première fois, Rambo
s’interpose pour protéger Hassan lorsque Karem s’apprête à le battre, mordant
violemment Karem. En retour, il reçoit un coup brutal au visage. Plus tard,
dans un refuge pour animaux où Hassan tente de cacher Rambo, ce dernier est
atteint par une balle tirée par Karem. Ces scènes se terminent par des fondus
au noir, plongeant le spectateur dans l'incertitude quant au sort des
personnages.
Le film
s'inscrit également dans une tradition cinématographique marquée par le film
noir des années 1950. La majorité des scènes se déroule la nuit, avec une
composition visuelle travailléeBien que nourris de stéréotypes, tels que le
héros vulnérable ou l'antagoniste oppresseur, les personnages échappent à la
schématisation grâce à une profondeur psychologique subtilement distillée. La
présence de Rambo contrebalance l'esthétisation du film, apportant une dose de
réalisme brut et d’imprévisibilité.
Au-delà du
rapport homme-animal, le film traduit un malaise social plus large. La maison
de Hassan est la cible de la cupidité de Karem, symbole d'une classe opprimée
par des forces puissantes. Ce conflit illustre les déplacements forcés et les
inégalités croissantes dans le Caire contemporain. Mansour met en lumière la
gentrification et les projets urbains ambitieux qui chassent les populations
les plus vulnérables. La maison n'est pas seulement un lieu physique, mais
aussi un espace chargé de souvenirs et d'identité. Les éléments nostalgiques du
film renforcent cette dimension. Hassan écoute des cassettes audio de moments
passés avec son père, ou contemple une photographie froissée de sa famille,
incluant Rambo. Ces reliques deviennent des images de son combat pour préserver
sa mémoire et son identité dans un monde qui menace de les effacer.
Ainsi, Khaled Mansour dépeint une
violence sociale et politique transposée dans une narration intime. Le combat
de Hassan pour sauver Rambo devient une métaphore de sa lutte pour conserver sa
dignité face à un système qui cherche à le broyer. Cette manière de filmer
confère au film son caractère mélancolique et contemplatif sans gommer les
thèmes plus sociaux qui le sous-tendent.
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