samedi 17 juillet 2010

Découverte de Tanguy Viel

Cinéma de Tanguy Viel

Dans ce récit, le narrateur est un homme obsédé par un seul film, qui a complètement bouleversé sa vie et dont il est presque dépendant, comme d’une drogue. Il voit et revoit le film et le texte n’est que la description savante, détaillée, obsessionnelle, non seulement du film mais de l’effet qu’il a sur le narrateur, de ses tentatives parfois avortées parfois fructueuses de le faire comprendre à ses amis, de ses notations de certains détails du film, etc. Dans la vie du narrateur tout est mesuré à l’aune de ce film, tout prend sens par rapport au film. Tanguy Viel en cinéphile averti, joue sur les rapports entre le cinéma et la littérature. Il nous livre une espèce de critique folle, étirée, obsessionnelle, d’un film culte, dont il ne révèle l’identité qu’à la fin du récit. La beauté de ce texte vient de son sens du suspens qui mime les films policiers au cinéma : l’écrivain dose les effets, révèle l’intrigue par petites bribes, incorpore des effets de dramatisation cinématographiques tout en préservant la qualité purement littéraire du texte : la prose alerte, tendue et en même temps tournoyante, les effets de style, le monologue intérieur litanique et redondant. On pense un peu à Thomas Bernhard en le lisant, surtout à Maîtres anciens, où le narrateur observe son ami Reger qui se plante chaque jour devant la toile de L’homme à la barbe blanche du Tintoret. Comme dans la prose de Bernhard, la phrase dans Cinéma est infinie, émaillée d’italique, pointue et obsessionnelle, comme si le narrateur noyait sa folie intérieure dans le sens du détail et le souci de l’exactitude dans la description des choses, exactement comme dans Bernhard où l’écriture avance par enlisement, embourbée dans la pensée du narrateur et son observation du monde. Le récit s’apparente également aux livres de Borges. Le vertige de la mimesis, poussée à sa limite par le sens de l’ubiquité, du dédoublement, permet d'y savourer une double fiction. 

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